LE POINT SUR L’OEDEME PULMONAIRE D’IMMERSION (OPI)

OPI acronyme mystérieux qui revient de plus en plus souvent dans la liste des accidents de plongée et dont la prévention est de plus en plus enseignée….
L’œdème pulmonaire d’immersion est l’accumulation subite de liquide dans les poumons qui survient en général peu de temps après le début d’une plongée et en profondeur.
L’œdème pulmonaire d’immersion est de plus en plus reconnu depuis une vingtaine d’années. Il survient lorsque le sang des jambes et de l’abdomen est redistribué aux poumons, ce qui augmente la pression dans les vaisseaux sanguins des poumons, provoquant ainsi une fuite de plasma dans les espaces respiratoires. Il apparaît généralement chez les nageurs en eau libre lors de compétitions, mais il peut également se produire chez des plongeurs. L’œdème pulmonaire d’immersion n’est lié ni au barotraumatisme des poumons ni à l’accident de décompression.
C’est une pathologie rare, souvent récidivante, touchant principalement les individus âgés de plus de 50 ans et hypertendus mais qui survient également chez des individus jeunes avec un cœur sain. A noter qu’une insuffisance cardiaque latente est rencontrée ….jusqu’à 30 % des cas d’OPI.

PHYSIOPATHOLOGIE:
L’œdème pulmonaire se définit par la présence de liquide dans l’alvéole suite à l’altération de la barrière alvéolocapillaire. Une augmentation du gradient de pression transmurale capillaire cause un capillary stress failure  qui dépend de la précharge, de la postcharge, de la pression dans le capillaire pulmonaire ainsi que de la pression alvéolaire (figure 1).

 

> QUATRE MECANISMES ESSENTIELLEMENT:

  1. Augmentation de la pression hydrostatique : Lors de l’immersion, l’augmentation de la pression environnante provoque un transfert de sang, appelé blood-shift, depuis la périphérie vers le thorax. Cela correspond à un volume estimé entre 250 et 700 ml qui conduit à une élévation de la pression artérielle pulmonaire (PAP).
  2. Le froid provoque une vasoconstriction périphérique (artérielle et veineuse), responsable d’une augmentation de la pré-charge et de la postcharge ventriculaire. Ceci va élever les pressions de remplissage cardiaque et, par continuité, le stress pariétal des capillaires pulmonaires.
  3. L’effort physique intense provoque une augmentation de la PAP par un accroissement du débit cardiaque et une redistribution inhomogène de la perfusion pulmonaire (favorisée dans les zones déclives). Ceci s’illustre par des études portant sur des militaires nageant uniquement sur le côté, où seul le poumon immergé a présenté des signes d’œdème. L’effort physique provoque également une tachypnée et une hyperpnée qui augmentent à leur tour la pression négative intrathoracique

 

 

 

4. Le gradient de pression hydrostatique (ΔPH)entre le détendeur et le centre pneumoïque (c’est-à-dire le point de confluence des forces exercées par le système respiratoire) est négatif lors de la remontée (figure 2). Il en résulte une augmentation de l’effort inspiratoire et une diminution de la pression alvéolaire.

 

5. D’autres facteurs peuvent avoir des répercussions sur la pression inspiratoire : la qualité du matériel (détendeur mal réglé, trop “dur”, combinaison trop serrée), le niveau d’anxiété (hyperpnée, respiration saccadée) ou la densité du gaz inspiré.
Ce phénomène tend à être renforcé par une hyperhydratation, une hypertension artérielle mal contrôlée, voire latente ou une dysfonction cardiaque systolique/diastolique, un âge > 50 ans

 

SIGNES CLINIQUES:
L’OPI se présente comme une dyspnée pouvant débuter dès
l’immersion mais, dans la majorité des cas, survenant en profondeur et s’aggravant lors de la remontée. Les signes et symptômes les plus fréquents sont une dyspnée, une toux et la présence d’expectorations mousseuses, voire d’une hémoptysie. Une oppression thoracique sans véritables douleur et/ou une sensation de mort imminente est parfois décrite.
En présence de symptômes, il est fréquent que la vitesse de remontée soit trop rapide et les paliers de décompression no respectés, ce qui expose le plongeur à un risque surajout d’accident de décompression (ADD). La sévérité du tableau clinique peut aller d’une toux sans conséquences à une insuffisance respiratoire sévère avec une issue fatale. L’auscultation pulmonaire retrouve des râles crépitants.

L’imagerie montre des lésions en verre dépoli, des réticulations interlobulaires et une augmentation de calibre des veines pulmonaires. Une radiographie ou un CT-scan thoracique normal ne permet pas d’exclure le diagnostic puisque les lésions peuvent
disparaître en quelques heure.

Les symptômes peuvent être aggravés par la remontée.

ATTENTION : si la remontée nécessite des paliers de décompression, la personne et le reste de la palanquée vont devoir effectuer un choix. On parle rarement de cette difficulté qui va se présenter aux membres d’une palanquée en cas de problèmes. Pour le plongeur atteint d’un œdème pulmonaire d’immersion, la priorité sera certainement de sortir de l’eau, car il y a là un risque vital. Pour elle et les autres membres de la palanquée, il y aura également un risque de MDD. Dès lors, il va falloir décider ce qu’il faudra faire.

C’EST FREQUENT ? :

Le centre hyperbare de Sainte-Anne à Toulon a rapporté 14 % d’OPI parmi les accidents de plongée, pris en charge entre 2010 et 2015 (99/707 cas). Les conditions de survenue d’un OPI sont variables comme l’atteste une étude rétrospective ayant analysé 60 cas d’OPI publiés dans la littérature.

La majorité des OPI (34/60) sont survenus à la suite d’une plongée en scaphandre autonome (plongeur équipé bouteille), un tiers (18/60) est survenu lors d’une nage en surface et environ 10 % (8/60) à la suite d’une plongée en apnée. L’immersion dans l’eau froide (< 19°) semble favoriser la survenue d’un OPI, même si
certains cas ont aussi été décrits dans les mers chaudes.
L’effort physique intense est régulièrement décrit lors d’un OPI chez les sujets jeunes et en bonne santé.

L’âge semble jouer un rôle important chez les plongeurs en scaphandre autonome puisque la moitié des OPI surviennent chez les sujets de plus de 45 ans.

L’hypertension artérielle (HTA) et L’obésité ont été les facteurs de risque cardiovasculaires les plus fréquemment retrouvés dans une série de 36 patients avec OPI.
D’autres facteurs favorisants tels que l’hyperhydratation, le matériel utilisé, le stress et les AINS sont évoqués mais leur association est encore incertaine

Enfin fait important : la tendance à la récidive : un plongeur ayant fait un OPI a beaucoup plus de risque de refaire un OPI

AVEC QUOI PEUT OIN CONFONDRE UN OPI ?

 

EN CONSEQUENCE PREVENIR VAUT MIEUX QUE GUERIR…..

  • Ne plongez pas si vous êtes en état de stress
  • Adaptez vos immersions à votre âge. Eh oui, le corps vieillit.
  • Évitez si possible l’effort durant la plongée. Refusez de palmer à contre-courant et préférezlancez votre parachute de palier pour vous signaler. Le bateau viendra vous chercher.
  • Couvrez-vous afin de ne pas avoir froid tout en fuyant les combinaisons en néoprène bien trop serrées.
  • S’il n’y a rien de plus à voir dans le fond que dans les premiers mètres, limitez votre profondeur.
  • Veillez à entretenir régulièrement votre détendeur de plongée
  • Même si vous connaissez l’importance d’une bonne hydratation en plongée, ne vous sur-hydratez pas. C’est inutile et cela représente un facteur de risque d’avoir un œdème pulmonaire d’immersion
  • En cas de doutes, consultez un médecin spécialisé. D’autant plus si vous souffrez d’affections particulières : hypertension artérielle, insuffisance cardiaque…

QUELLE CONDUITE TENIR EN CAS DE SURVENUE :

SOUS L’EAU :

  1. Si vous ressentez une gêne respiratoire, n’ayez pas de crainte et communiquez directement avec votre binôme. À l’aide des signes de plongée, signifiez que cela ne va pas et que vous êtes essoufflé. Inutile d’avoir honte de communiquer.
  2. Si malgré la remontée ou l’arrêt de l’effort, la gêne persiste, voir se renforce, l’objectif sera de sortir le plus rapidement de l’eau.
    En tant que binôme d’une personne qui présente un essoufflement, vous devez immédiatement vous rapprocher d’elle et lui porter assistance. Commencer sans tarder la remontée. Si les signes persistent, vous devez tout faire pour sortir la personne le plus vite de l’eau. Cela, sans vous mettre en danger.
    Dès que vous atteignez la surface, signalez au bateau ou à la personne responsable de la sécurité en surface que vous avez un problème. Et déclenchez la chaine des secours.

EN SURFACE:

  1. Appeler les secours en précisant qu’il s’agit d’un accident de plongée.
  2. Administrer de l’oxygène à la personne accidentée à raison de 15l/minute si elle peut respirer seule.
  3. Rassurer la personne qui présente les signes cliniques
  4. Déshabiller la si possible (ou ouvrez la combinaison pour libérer la cage thoracique)
  5. Ne pas hydrater la victime
  6. En cas d’arrêt cardio-respiratoire, commencer le massage cardiaque sans attendre

Si vous êtes remonté sans faire vos paliers, signale-le également au secours. Si possible, mettez-vous sous oxygène et buvez de l’eau en attendant les secours.

QUI PREVENIR ?
EN MER: LE CROSS (VHF Canal 16 – Tel 196)

SUR TERRE : LE SAMU (15 ou 112)
En cas de survenue de symptômes à l’étranger, le DAN (Divers Alert Network ; www.daneurope.org/emergencies) offre un support téléphonique 24 h/24

ET APRES ?

Après bilan, l’aptitude à la reprise de la plongée sous-marine, de l’apnée ou de la natation devra être discutée : Pas d’effort pendant une semaine, pas d’immersion pendant un mois, pas de plongée pendant 6 semaine et repris après accord d’un médecin Fédéral ou hyperbare

La prévention secondaire actuelle repose principalement sur l’éviction des facteurs favorisants (l’immersion en eau froide, l’effort, l’HTA, matériel inadapté) mais des restrictions, voire
une inaptitude (en cas de pathologie cardiaque ou pulmonaire) peuvent être prononcées.

CAS CLINIQUE SURVENU A UN DE NOS MEMEBRE HORS SORTIE PAEC ILLUSTRANT L’ARTICLE:

Circonstances :
Séjour d’encadrement club enfants à La Londe les Maures semaine du 8 au 12 juillet.
Logé en camping, près d’une route bruyante, nuitées inconfortables, réveils nocturnes, mauvaise récupération, sieste pas effectuée ce jour-là.
Ce jeudi 11, 3e plongée (3h45 après la seconde) en config Air +Nx70. Petit énervement sur mon G2 dont j’avais oublié la procédure de basculement multi gaz (alors que déjà fait qq mois avant) résolu par autre plongeur, après bascule arrière rejoint le bout dans le courant et là écran éteint (que j’avais vérifié avant mise à l’eau) donc re stress mais avec rappuie sur un des boutons il se rallume. Descente, 14mn de temps de plongée sur l’épave, avec un max à 46,70m.
A un moment fort courant de face quand on a voulu traverser le pont, on s’est réfugié à l’abri de la coque. Eau à 16°C
A 110b remontée normale jusqu’à 9m pour basculer sur Nx70 pour 10mn de paliers (moi 1mn de plus que les 2 autres),

A environ la moitié du palier début de sensation de gêne inspiratoire, qui s’est accentué par la suite, et alors j’ai compris que je refaisais un OPI comme il y a 14 ans. Augmentation du stress. Réussi à tenir la dernière minute, mais arrivé dyspnéique en surface et crachats hémoptysiques.
Excellente prise en charge sur le bateau, immédiatement sous O2 après retrait du haut de ma combi semi-étanche, Appel secours, etc…

Hospitalisation de 48h a l’HIA de Toulon ou le scanner pulmonaire est réalisé qui montre des signes radiologique d’OPI. L’évolution sera spontanément résolutive sous oxygénothérapie